La préservatrice de la Gervanne

Le blog de l' AAPPMA de la Gervanne


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Article publié dans le journal du Crestois (édition du 12/08/2022), écrit par notre président et aujourd’hui partagé dans les pages du blog de la Préservatrice.

« Pêcheur de truites depuis plus de trente ans, c’est tout logiquement que depuis quelques années, j’ai pris le pas des bénévoles et j’ai rejoint les troupes de la Préservatrice, afin de découvrir un autre aspect de la pêche. J’y ai découvert des gens ouverts d’esprit et surtout les contradictions de ce monde où sans moyens ou presque, nous devons mettre des poissons à la rivière afin de donner aux pêcheurs qui payent chaque année une carte de pêche le droit de prendre des poissons. Ces derniers (les pêcheurs) passant plus de temps aujourd’hui à se plaindre sur le net qu’à penser venir aider son prochain, à faire quelques bonnes actions pour les milieux aquatiques.

Aujourd’hui, je suis devenu le président de cette association de pêcheurs, gérant le linéaire de la rivière Gervanne, avec d’autres bénévoles. Des idées novatrices plein la tête, mais au bout de six mois j’ai vite compris qu’une association portant le statut de préservation des milieux aquatiques n’a que très peu de pouvoir et est souvent considérée quelque peu comme « la dernière roue du carrosse ». Nous sommes au milieu, coincés entre pouvoir public et politique, élus locaux et personnes lambda, DDT, OFB et j’en passe et des meilleurs. Nous n’avons comme seule arme que la force de nos convictions et nous nous battons souvent contre l’oubli de notre structure. Comment pourrait-on arrêter les pâles des moulins à vent par fort vent ? – voici le paradoxe auquel nous, associations de pêche, pouvons faire face au quotidien.

À titre d’exemple, je pourrais parler de la constatation d’un acte de braconnage qui n’est pas du ressort de la gendarmerie, l’OFB (Office National de la Biodiversité) disposant de plus de moyens pour aller contrôler celui qui arrose ses quatre tomates que pour faire la police de la pêche, et notre fédération n’a pas les moyens d’avoir une véritable police de la pêche.

Nous n’avons aucun moyen de pression sur les sports dit « d’eaux vives », randonnée aquatique, canyoning et autres canoës, pourtant si préjudiciables au milieu naturel et qui plus est quand celui-ci manque cruellement d’eau comme c’est le cas en ce moment. Il faut bien reconnaître que ces pratiquants, souvent en quête d’un bien être naturel et proche de la nature, ne voient que le plaisir de la fraîcheur de l’eau et non l’impact sur le milieu naturel, que nous ne cessons de « crier sur tous les toits ».

Aujourd’hui, l’homme est capable de faire parvenir une fusée sur Mars et de mettre en orbite des centaines de satellites autour de la Terre, nous disposons de centaines d’applications sur nos smartphones, mais nous n’avons (par exemple) aucun moyen informatique de connaître le débit réservé d’une rivière en aval d’une prise d’eau, afin que la vie aquatique puisse s’épanouir en toute quiétude.

À la mi-juillet les canaux servant à produire de l’électricité ont, par arrêtés préfectoraux, étaient fermés ; le canal des Berthalais n’y a pas échappé, mais personne n’a eu l’idée d’avertir en amont la fédération de pêche et encore moins notre association. Résultat, des centaines de poissons sont morts inutilement, alors qu’ils auraient pu être sauvés par pêche électrique et remis à la rivière. Il est aisé de comprendre que parfois il y a un gouffre entre nous d’un côté, les associations de pêche et notre fédération, et de l’autre, les services de l’état. Quatre kilomètres de canal, des poissons morts et juste le désespoir et la colère, malgré le sauvetage de quelques alevins quatre jours après avec l’aide du Pôle technique de la FD 26 (merci à eux).

Vous comprendrez que parfois la situation nous échappe et que nos croyances et pensées d’un monde idyllique, de rivières en bonne santé et remplies de poissons demeurent obsolètes. La force de mettre en place des choses concrètes afin de faire perdurer la rivière et son milieu est ancrée en nous, mais parfois le diable vient démanger notre esprit en nous disant de ne faire que le strict nécessaire en mettant quelques poissons aux nageoires douteuses pour satisfaire la soif des pêcheurs.

Madame le Préfet ne veut pas interdire la pratique des canoës qui frottent les cailloux de la Drôme, afin de protéger les milieux aquatiques, ni les barrages de galets qui ont une influence néfaste sur les cours d’eau et poussent comme des champignons sous les forêts de conifères au mois d’octobre. Le post Covid a fait émerger une catégorie de personnes qui se disent proches de la nature mais qui piétinent à longueur de week-end les biotopes des rivières.

Les cultures de maïs sont arrosées par 40 degrés, consommant à l’heure ce que le commun des mortels consomme en trois mois, et l’on vient importuner et contrôler le pauvre jardinier qui arrose le matin son carré potager. On transforme l’eau en glace pilée sur le glacier des Deux Alpes afin de préparer au plus vite la saison de ski, qui commencera aux vacances de la Toussaint.   

Les médias locaux font leur « une » avec les assecs de la basse Drôme et la fédération de pêche monte au créneau pour une rivière qui représente plus un attrait pour les canoës et les baigneurs que pour le pêcheur. Certes, il est dommageable de voir un cours d’eau en assec et une importante mortalité de poisson, mais pendant ce temps-là, personne ne parle de la catastrophe des ruisseaux du Diois, où dans l’indifférence générale la truite Fario de souche ancestrale est décimée par le manque d’eau qui touche d’importants linéaires de cette partie du département.

Cette souche patrimoniale, celle qui devrait être classée au patrimoine de l’UNESCO, est en passe de disparaître ; heureusement que les pêcheurs de l’AAPPMA de Die (encore une fois) restent vigilants et mettent tout en œuvre pour sauver ce qui peut l’être.

Il y aura un après 2022 et j’espère que cette situation catastrophique que nous vivons aujourd’hui nous servira de leçon sur la gestion de l’eau et ce que nous voulons en faire. J’espère et je souhaite aussi que nous tirions tous des leçons de cette crise. Il va falloir prendre les bonnes décisions pour que tout le monde puisse avoir de l’eau à son robinet et surtout, en tant que président d’association de pêche protectrice des milieux aquatiques, pour que ces derniers ne soient pas laissés sur le bord du chemin (ce qui est parfois déjà le cas, au détriment de nos loisirs, de notre bien-être et surtout au détriment de ceux qui nourrissent la France). Nous avons déjà bien entamé, année après année, la branche sur laquelle l’humanité est assise, il ne faudrait pas que cette dernière se brise en 2023″.


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Lettre ouverte pour prévenir du danger de la randonnée aquatique.

Voici la lettre ouverte, écrite par notre président est adressée début juillet aux Maires des communes suivantes: Omblèze, Plan de Baix, Beaufort sur Gervanne. Ce courrier est aussi parvenu au président de la Fédération de pêche, Mr Brély Christian, envoyé début Août à madame la députée Pochon Marie (députée de la troisième circonscription) et publié vendredi 5 août dans le journal « Le Crestois ».

« Dans cette lettre ouverte, je viens vous témoigner mon inquiétude concernant la pratique de la randonnée aquatique sur la rivière Gervanne. Les beaux jours sont arrivés depuis quelques mois et avec eux le monde, dans les gorges d’Omblèze et la chute de la Druise, mais aussi sur pas mal de secteurs de la rivière. Les réseaux sociaux, les médias et la crise du Covid ont considérablement augmenté l’afflux de touristes venant bénéficier de la fraîcheur de ces lieux enchanteurs.

Je n’ai rien contre les touristes venant découvrir la chute de la Pissoire et celle de la Druise, mais là où le bât blesse, c’est qu’aujourd’hui nous assistons de plus en plus à la pratique de la randonnée aquatique. Cette pratique peu onéreuse et simple à mettre en œuvre peut se pratiquer par le commun des mortels sans avoir affaire à un guide diplômé. Un short, une paire de baskets et une paire de bâtons de randonnée et voilà que la personne en quête de nature se voit remonter les rivières les pieds dans la fraîcheur de l’eau ; voilà pour le tableau. Vous comprendrez alors que cette pratique, multipliée par X personnes, peut être très vite préjudiciable par le piétinement intensif du substrat et de la faune benthique, il peut très vite même devenir une cause de mortalité pour les espèces aquatiques (écrevisses, alevins de truite Fario, invertébrés etc). Imaginez un instant mettre un troupeau d’éléphants dans une fabrique d’œufs, vous comprendrez le « carnage » !

La rivière est un milieu vivant, avec un biotope bien particulier et qui reste très fragile. Celui de la Gervanne l’est plus encore : avec ses fonds colmatés par le calcaire, la rivière n’est hélas plus en bonne santé. Je n’ose imaginer l’impact que peuvent avoir ces dizaines de piétinements journaliers sur un milieu déjà atrophié. La Gervanne est à protéger, comme doit l’être le site des gorges d’Omblèze. La truite Fario, le chabot, l’écrevisse autochtone (à pâte blanche) et bien d’autres espèces d’invertébrés y vivent, ils composent un biotope essentiel où l’équilibre reste si fragile. Le moindre déséquilibre peut être nuisible à l’une ou l’autre de ces espèces et en tant que président de la préservatrice de la Gervanne et pêcheur, je joue un rôle de protection des cours d’eau et de son biotope. D’ailleurs, la définition d’AAPPMA reste la suivante : Association agréée de pêche et de protection des milieux aquatiques.

Je ne voudrais pas que dans un futur sans doute proche, la rivière devienne un second « Toulourenc » avec ce que cela implique : pollution de la nature, impact sur la faune et la flore. Je ne saurais que vous rappeler que la truite Fario reste une espèce emblématique de nos rivières du Vercors et du Diois et que l’écrevisse à pâte blanche est en voie de disparition dans bon nombre de vallées, à cause de la maladie mais aussi de l’impact de l’homme.

 Un bon nombre de rivières sont impactées aujourd’hui par le tourisme et l’être humain, mais aussi par les prélèvements intensifs de l’eau, dans les cours d’eau et les nappes phréatiques. La rivière Drôme entre autres souffre de l’impact des barrages de galets, du tourisme de masse et du prélèvement en eau, impact que nous pouvons aussi retrouver sur la Gervanne. Avec la problématique de la randonnée aquatique, cela commence à faire beaucoup pour la nature et les rivières et le phénomène est de plus accentué par le manque d’eau qui touche l’ensemble du département de la Drôme.

Je n’ai rien contre ceux qui utilisent la rivière à des fins de bien-être, mais ne mettons pas en péril ce que la nature a mis des millénaires à construire. Cette année 2022 est à ce jour une catastrophe pour nos cours d’eau, le printemps a connu un déficit de pluie jamais égalé depuis 1959, l’été avec des semaines caniculaires ne fait qu’empirer le phénomène, il ne faudrait pas qu’en plus le plaisir de quelques-uns cause un impact supplémentaire dont les milieux aquatiques auraient pu se passer.

Aujourd’hui mon équipe de bénévoles et moi-même avons comme seules armes la parole et le bon sens, afin d’expliquer à tous les utilisateurs de la rivière son fonctionnement, sa vie et qu’il faut surtout en prendre soin, afin de pouvoir la transmettre aux générations futures.

« Le principal fléau de l’humanité n’est pas l’ignorance, mais le refus de savoir » (Simone de Beauvoir).

Je reste cependant sceptique face à la durée de vie de la pédagogie et je doute qu’elle fonctionne encore bien longtemps devant l’incivisme de l’homme des années 2020. »

Le président de la Préservatrice.