
La pratique des sports et loisirs d’eaux vives dans le département de la Drôme est en perpétuel accroissement depuis plusieurs dizaines d’années. Ce constat est lié à la beauté de notre département, et à la richesse d’habitats remarquables qu’il abrite. De la cascade verte à la cascade blanche, en passant par les gorges de la Gervanne et du Toulourenc, et sans oublier la rivière Drôme, les touristes que nous accueillons sont de plus en plus nombreux à s’amasser dans ces milieux naturels, en venant y chercher fraîcheur, réconfort, mais aussi offre sportive au sein même des cours d’eau. A noter qu’outre les lieux précités, c’est la grande majorité des cours d’eau drômois qui sont concernés. Malgré l’intérêt économique que le tourisme représente, il semble aujourd’hui pertinent de vous alarmer au sujet des effets néfastes que peuvent avoir ces pratiques lorsqu’elles sont peu, ou pas encadrées et limitées.
La pratique en masse du ruisseling, canyoning, et de la baignade, peut avoir un impact important sur la qualité de l’eau et du substrat, et donc par déclinaison, sur l’ensemble de la faune et macrofaune aquatique. Le piétinement du substrat a pour effet la destruction des micro-habitats et donc des macro-invertébrés, source de nourriture et de vie pour bon nombre de poissons et crustacés. Mais lorsque le piétinement devient intensif, il devient une cause de mortalité directe pour les populations piscicoles, par écrasement des espèces benthiques (écrevisses à pieds blancs, chabot commun…) ou des zones de reproduction (frayères…).
La Fédération pour la Pêche et la Protection du Milieu Aquatique de la Drôme œuvre aux côtés de nombreuses autres structures pour la défense et la préservation du milieu aquatique. Nous sommes donc attristés de voir nos efforts vains, face au fléau que représente le tourisme de masse. Malgré le panneautage mis en place par nos pêcheurs par le biais des Association Agréées pour la Pêche et la Protection du Milieu Aquatique (AAPPMA), les résultats obtenus sont minimes, compte tenu de l’ampleur que prennent ces pratiques.
Nous sommes également au regret de constater que de nombreuses publicités encouragent et font la promotion de ces pratiques destructrices de l’environnement, sur les réseaux sociaux ou via les offices de tourismes… Il nous paraît paradoxal de promouvoir un tourisme vert, qui encourage des pratiques allant à l’encontre même du principe écologique et du respect de l’environnement, des habitats et des espèces. Dans un contexte sociologique controversé, ou le débat est orienté vers le bien-être animal et la non-dégradation de la nature, il nous paraît légitime de vous alerter sur ce sujet, paradoxalement aux attaques quotidiennes que subit le monde de la pêche.
Enfin, vous n’êtes pas sans connaître les difficultés que connaît notre beau département du point de vue du déficit de la ressource en eau. Déjà fortement perturbée par le réchauffement climatique et des étiages de plus en plus sévères, la faune piscicole mérite t’elle d’être sacrifiée sur l’autel d’un pseudo tourisme vert ?
La Fédération ne s’oppose en aucun cas au tourisme et à la mise en valeur du milieu aquatique, qui peut aussi être un véritable atout dans la sensibilisation à l’environnement. Cependant, nous alertons les services de l’état et les élus locaux sur la nécessité d’agir vite, pour l’encadrement et la limitation de ces pratiques, dans une logique de conciliation et de compromis que nous devons à tout prix trouver pour sauver nos cours d’eau déjà souffrant. La légiférassions de ces pratiques est possible et nécessaire, via l’article L432-3 du Code de l’Environnement, réprimant la destruction des zones de frayères, et l’article L214-12, 2ème alinéa, qui vous habilite en tant que préfète à réglementer la pratique du tourisme, des loisirs et des sports nautiques sur les cours d’eau ou parties de cours d’eau non-domaniaux. Nous, Fédération de pêche de la Drôme, portons la voix de tous les pêcheurs et amoureux de la nature, qui sont excédés par la situation et demande une prise en charge ferme de votre part face à cette problématique.
Christian Brely,
En sa qualité de président de la Fédération Départementale
pour la Pêche et la Protection du Milieu Aquatique de la Drôme